Enjeux

II - Les problèmes qui alimentent la fracture territoriale

La décentralisation a saupoudré les centres de décisions et déresponsabilisé les décideurs politiques à tous les niveaux administratifs

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Guillaume Poitrinal, président de Woodeum, démonte l'horloge biologique française - Le Point - 25 Janvier 2018 - page 110

L'enlisement du projet de Notre-Dame-des-Landes de 1965 à 2017 illustres les blocages de l'administration française

"Trois ou quatre années devraient suffire pour étudier le sujet, consulter la population, déterminer les enjeux et mettre le pouvoir en situation de choisir. C'est ce que j'appelle le temps juste. Au lieu de quoi on a assisté à quarante années de gâchis administratifs, de concertation ratée et de déni de démocratie. Notre-Dame-des-Landes, c'est le signal qu'on est arrivé au bout d'un système."

"Il y a tout d'abord une question de gouvernance. La multiplicité des acteurs perturbe la prise de décision. Notre pays n'est pas allé au bout de ses réformes. La tradition jacobine reste forte. L'Etat-nation s'est dissous par le bas dans les collectivités locales et par le haut dans l'Union européenne, sans renoncer à rien. Un projet d'ampleur en France mobilise donc cinq à six niveaux de collectivités différentes. on se gargarise du mot décentralisation, mais on n'a rien décentralisé, on a saupoudré les responsabilités entre les communes, les agglomérations, les départements, les régions, l'Etat central. Chacun s'éreinte sur un même projet. Il n'y a pas de patron. Or un projet, c'est d'abord un patron."

"La France souffre de l'émiettement des pouvoirs. La responsabilité d'un tel ouvrage est complétement éclatée, alors que c'est un problème régional. Que vient faire l'Etat là-dedans ? Pourquoi est-ce le Premier ministre qui prend la décision d'abandonner l'aéroport ? Je peux comprendre que Matignon ou l'Elysée se prononcent sur une ligne TGV, car ce type d'ouvrage intéresse plusieurs régions, mais le président de la République et son Premier Ministre n'ont pas à intervenir dans un problème régional."

"Aujourd'hui, les Régions sont censées s'occuper du transport et de l'économie. Il faudrait donc complèment le leur déléguer, avec un service d'urbanisme en propre et des débats locaux."

"Il faut donc simplifier les procédures et les rapprocher de l'échelon concerné. En clair, quand un besoin régional naît, il doit être traité à l'échelon régional, pas dans un cabinet ministériel à Paris."

Simplifier le droit pour limiter le nombre de procédures

"La complexité administrative trouble et ralentit la prise de décision. Elle nourrit ensuite un contentieux qui la rend très incertaine. Cette complexité naît à l'Assemblée nationale : un projet de loi qui arrive avec 100 articles en ressort avec 300 une fois amendé ! Le législateur élabore des lois trop bavardes et multiplie les étapes, car il se méfie de l'autorité administrative, considérée comme un contre-pouvoir. L'autorité administrative se méfie de la justice, elle ajoute de la complexité pour éviter les jurisprudences trop créatives. J'ajoute que notre haute-fonction publique est très qualifiée, nulle part ailleurs qu'en France n'existe une école aussi pointue que l'ENA. Il en résulte une hyper sophistication du processus administratif. Les lois et les règlements se rajoutent les uns aux autres.. Avec les années, notre droit est devenu d'une complexité inouïe. Je recommande la lecture des milliers de pages, parfois contradictoires, des Codes de l'urbanisme et de l'environnement, que nul n'est censé ignorer. A force de technocratie, on en oublie le vrai sujet. Le processus administratif, long et illisible, mine le débat et tue dans l'oeuf toute probabilité de consensus. Donc, la seule solution pour que les opinions s'expriment, c'est l'affrontement."

Face à la multiplication des urgences, la vitesse d'adaptation va être l'enjeu de demain

"Dans un monde qui change de plus en plus vite, et face à l'urgence de la lutte contre le réchauffement climatique, la vitesse d'adaptation de nos équipement collectifs va être l'enjeu de demain. C'est dans ce cadre qu'il faut redonner sa juste valeur au temps. Proscrire le temps abandonné des procédures administratives et judiciaires inextricables, mais sans tomber dans la précipitation ou l'improvisation. Oui, il est possible de s'organiser pour créer démocratiquement de l'utile, du beau et de l'écologique, réalisable dans le temps d'un seul mandat électif. Entre l'abandon et la précipitation, il y a une place pour le temps juste. La lenteur n'est facture à personne, mais elle coûte à tout le monde."

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